L’abbé Le Garrec fut donc nommé recteur de Caudan le deuxième dimanche du mois d'août 1905. Sitôt installé, il fut confronté à la grande préoccupation de l'époque : la séparation de l'Église et de l'État. Il voulut expliquer la situation à ses paroissiens qui ne semblaient pas trop sensibilisés aux conséquences de cette loi. Il les convoqua dans une salle d'auberge du bourg, mais cet auditoire choisi lui était acquis d'avance. Cette première réunion fut suivie d'une autre, moins calme, le 29 avril 1906 à la salle de la Mairie, réservée par Monsieur Paul Guieysse dans le cadre des élections législatives. Le recteur n'eut pas peur de prendre la parole, la réunion dura deux bonnes heures et « fut très mouvementée ». Plusieurs Caudanais étaient d'ailleurs favorables à cette loi, « tous les petits fonctionnaires de la localité et une certaine partie de la population qui n'envisage que les intérêts purement matériels ou qui a été endoctrinée par les politiciens de l'endroit »...
Entre ces deux réunions l'inventaire des biens de l’église dut avoir lieu, mais il ne put se faire car l'église fut barricadée et gardée par un grand nombre de paroissiens armés de leurs outils de travail qui avaient pour consigne de ne pas frapper ni d'insulter ; ils n'eurent pas à le faire car le receveur, Monsieur Nacrez, receveur des domaines de Pont-Scorff, voyant tout ce monde devant la porte de l'église, pendant que sonnait le glas, n'insista pas et fit demi-tour. Il prévint le maire, « l'homme de toutes les faiblesses », que cet inventaire était remis à une date ultérieure. Il eut lieu le 14 novembre. Apparemment ce ne fut qu'une formalité sans conséquence importante. Qui sait si le recteur n'avait pas fait en sorte que cet inventaire ne soit que partiel ?
Les élections législatives donnèrent une large majorité à Monsieur Paul Guieysse qui fut donc élu député, mais se trouva en minorité dans la partie nord de la commune (Caudan actuel). « Pour se venger », le conseil municipal prit la décision d'interdire les processions. L'arrêté fut affiché sur la porte de l'église. « Également pour les convois mortuaires » ? demanda le recteur. « Non, que les processions proprement dites »... et l'affiche fut refaite !
L’autre gros problème de l'actualité paroissiale de l'époque fut le financement. Privé d'allocations publiques, le recteur n'avait que les quêtes. Il fut dans l'obligation de trouver 4 050 francs. « Où vais-je trouver cette somme ? » se demanda-t-il. La partie nord de la commune comptait à peine 2 500 habitants pour un recteur et deux vicaires. Il demanda à l'évêque de se séparer d'un de ces deux vicaires, l'abbé Goubin (licencié économique !), 500 francs de charges en moins... Cet abbé ne fut pas mis au chômage, au contraire il eut de l'avancement et nommé recteur de Calan ! « Le travail de notre paroisse n'est pas au-dessus des forces de deux prêtres, et il faut faire des sacrifices pour avoir moins à exiger de la population ». Pour alimenter sa caisse, le recteur décréta que « seuls, les chefs de ménage seraient sollicités » et il leur demande de verser 10 centimes par semaine. Petit à petit, ce Denier du Culte, devenu Denier de l’Église, fut reconnu et adopté par les paroissiens.
Durant cette période troublée, le clergé n'avait pas abandonné le presbytère mais, par précaution, dans la crainte d'une expulsion, l'abbé Le Garrec voulut mettre son mobilier à l'abri. « La gentilhommière de Madame Gadaud (ancienne résidence de Kergoff) s'est ouverte pour le recevoir et le clergé tient ici à témoigner de sa reconnaissance à l'Amirale Gadaud, bienfaitrice insigne de la paroisse ». Le presbytère, devenu propriété de l'état fut l'objet de tractations multiples, de menaces, de courriers injurieux, d'un procès, pour finalement être racheté par l'autorité religieuse.