Durant leurs congés de cet été, le Père Jean-Louis et son frère Julien ont participé dans leur pays de Madagascar au « famadihana ». Cette cérémonie traditionnelle est aussi appelée « retournement des morts ». C'est une coutume qui consiste à envelopper les défunts dans de nouveaux linceuls de soie afin qu'ils ne prennent pas froid, c'est pour cette raison qu'elle se déroule durant l'hiver de ce pays (juin à septembre). Pour cette opération il faut sortir les corps des tombeaux de pierre dans lesquels ils ont été posés. La pierre chez eux est un élément noble réservé à cet effet. Les tombeaux sont des sortes de mausolée dans lesquels les corps sont posés dans des alvéoles. À l'origine le « famadihana » était pratiqué pour les personnes décédées loin de leur région d'origine à l'occasion de leur rapatriement dans le caveau familial afin qu'ils reposent définitivement près des leurs...
Pour commencer, il faut déterminer la date de la cérémonie. Pour ce faire, il est bon de consulter un « mpanandro », sorte d'astrologue ou devin malgache qui désigne le jour propice. Tous les membres de la famille en sont informés et doivent faire tout leur possible pour être présents et ainsi participer aux dépenses qui sont très importantes : accueil des invités, hébergement, repas, achats de linceuls, réparation des tombeaux, frais de dossiers. Pour cette raison cette fête n'a lieu que tous les neufs ans.
Le « famadihana » dure deux jours. Le premier jour, toute la population du village est invitée à un bal populaire avec musique traditionnelle locale, chanteurs talentueux, conteurs. Durant ce bal, un représentant de la famille fait un discours moralisateur agrémenté de proverbes appropriés, surtout pour remercier tous ceux qui ont pu se déplacer. C'est le moment de la quête comme chez nous !… Les invités versent leur obole à la famille, leur participation, le « kao-drazana ».
Tous ces convives devront être nourris à satiété durant toute la durée de la fête, il faut prévoir une double ration pour chacun, car plus ce repas sera important et copieux, plus la notoriété de la famille sera ainsi confortée ! Les menus sont très riches et variés : on y trouve de la viande grasse de zébu, de la viande de porc, de la dinde, du poulet, du canard, le tout accompagné de riz imbibé d'huile et de graisse, et bien sûr d'une boisson locale, le « toaka gazy », fabriqué à partir de canne à sucre ou de tamarin, en plus de l'eau en bouteilles. Chaque famille se regroupe pour ce repas. À 17 heures une messe est célébrée à l'intention des défunts de la famille.
Après cet épisode festif, on procède, le deuxième jour, à l'exhumation proprement dite. On enveloppe les ancêtres défunts d'un nouveau linceul, on les porte sur les épaules, on chante, on danse, c'est un jour de fête, signe que les vivants n'oublient pas leurs aïeux. Après tous ces rites, les corps sont remis à leur place respective, en attendant le prochain « famadihana ». Beaucoup de superstitions sont rattachées à cette pratique : c'est ainsi qu'en s'appropriant un tout petit morceau du linceul qui a été en contact avec le défunt lors de l'exhumation, les femmes stériles sont persuadées qu'elles enfanteront après la fête !
Dans le cas de la famille de Jean-Louis, le retournement a concerné une cinquantaine de défunts : grands parents, frères et sœurs des grands parents, leurs enfants, cousins, cousines… on remonte très loin. On peut s'étonner de ce grand nombre, mais il est évident qu'au bout de plusieurs années, quand les corps se sont décomposés et qu'il ne reste que les ossements, ceux-ci sont regroupés. Certains groupements peuvent contenir une dizaine de ces corps.
Toutes les religions pratiquent cette tradition. Dans la religion chrétienne, certains rites sont abandonnés, mais le « famadihana », le souvenir des morts, a une place primordiale dans la culture malgache.