Pour compléter et en finir avec ce retour au 17ème siècle, nous évoquerons deux personnages qui ont beaucoup œuvré pour l’instauration et le fonctionnement des retraites et missions : Le Père Vincent Huby et Mademoiselle De Francheville...
Le Père Huby naquit dans une famille de sept enfants, deux garçons et cinq filles. Deux des filles furent carmélites à Vannes et les autres mariées à « trois gentilshommes de bonne maison » dont Monsieur De Bouetiez. L’aîné des garçons vécut « fort Chrétiennement dans la mariage » et Vincent fut le dernier de ces sept enfants ; il naquit à Hennebont le 15 mai 1608, soit treize années avant Louis De Kerlivio qu’il eut l’occasion d’encadrer et de conseiller. Vincent « était un garçon bien fait, avait l’esprit intelligent et capable de toutes les sciences ». À dix-huit ans, il entra au noviciat de la compagnie de Jésus, à Vannes, fit une année de rhétorique à Rennes, trois ans de philosophie à La Flèche, trois ans de « régence » puis quatre années de théologie à Paris. Il fit sa profession solennelle le 8 septembre 1643. Il enseigna la théologie, fut recteur du collège de Quimper mais « il ne laissait pas de s’employer en même temps au salut des âmes et son zèle l’obligea de se donner au Père Rigoleu pour l’accompagner dans les missions », il revint le rejoindre à Vannes, et quand ce dernier décéda en l’année 1663, il prit la direction des retraites. Il s’y consacra jusqu’au dernier jour de sa vie. Le dix-sept mars1693 « il avait fait commencer la retraite de Pâques et il se disposait à y travailler lorsqu’il fut attaqué d’une fluxion sur la poitrine. La douleur de côté dont il se plaignait détermina les médecins à la faire saigner, mais il tomba par la suite dans une grande faiblesse… » Ses proches l’entouraient en récitant des Pater et des Ave, et il leur dit : « Hâtez-vous, le temps presse, je vais à grands pas à la mort » et il décéda le 22 mars à l’âge de 85 ans. Son corps fut exposé durant deux jours. Chacun voulait avoir de ses reliques, on lui fit toucher des chapelets, des médailles et « des linges », on déchirait ses habits, on coupait ses cheveux… Il lui resta malgré tout quelque chose et la maison des retraites pour femmes demanda son cœur. L’évêque de Vannes intercéda et ce cœur fut gardé comme précieux trésor dans leur chapelle.
Les femmes aussi purent suivre retraites et missions, grâce en particulier à Mademoiselle De Francheville qui a beaucoup financé et œuvré pour ce service. Elle a vu le jour le 21 septembre 1620 au château de Truscat dans la presqu’ile de Ruys, dans une famille « distinguée et, ce qui est très rare, dans un milieu vertueux dans l’abondance et dans la prospérité ». Une si belle et riche dame ne manqua pas d’attirer les regards et convoitises et on la sollicita fortement à se marier. On lui proposa « beaucoup de partis très considérables ». Le Doyen des Conseillers du Parlement de Bretagne, sous le charme, lui fit faire des propositions de mariage. Elle les écouta d’abord avec « quelque répugnance », mais finalement elle accepta. Elle se mit en route pour Rennes où « cette affaire devait se conclure ». En entrant dans les faubourgs de la ville « elle aperçoit de son carrosse un grand convoi funèbre ; elle demande ce que c’est : on lui dit que c’est le convoi du Doyen des Conseillers (qu’elle devait épouser !) qu’on allait enterrer dans l’église de Notre-Dame de Bonne Nouvelle… ».
« Ce coup imprévu fut pour elle un avertissement du ciel, et dès ce moment, au lieu de songer à s’établir dans le monde, elle ne pensa plus qu’à s’en retirer ». À son décès, son père lui laissa cent mille écus de biens et une somme de vingt mille écus qui procuraient à sa fille, Mademoiselle De Francheville, quatre mille livres de rente. Elle employa cet argent au service des plus démunis, « les pauvres honteux étaient l’objet particulier de ses soins, toutes les filles orphelines trouvaient auprès d’elle un asile assuré ». Elle finançait les missions qui se déroulaient dans le diocèse, et « les grands fruits que la maison de retraites pour hommes produisaient lui firent désirer un pareil établissement pour femmes ». Un des grands vicaires de Vannes « déclama publiquement en chaire contre cette nouveauté ». Mais Monseigneur De Rosmadec, grâce à une intervention de Louis De Kerlivio, donna son accord et le 20 mars 1670 la première pierre fut posée par le même Louis. Mademoiselle De Francheville, « plus consumée du feu de la charité que de l’ardeur de la fièvre » mourut le 23 mars 1689. Son corps fut mis dans un cercueil de plomb pour être enterré dans un caveau sous la chapelle de la retraite.
Cette pratique des missions dura plusieurs siècles ; ainsi, le 16 novembre 1948, la Maison des Missionnaires de Sainte-Anne répond favorablement à une demande de prédicateurs formulée par le recteur de Caudan, l’abbé Le Lausque : « Combien en voulez-vous ?... Trois ou quatre ? ».