« Entre tant de pieux établissements qui se sont faits de notre temps, il n’y a point, ce semble, de plus utile aux âmes, que ces maisons de retraite où les fidèles de l’un et l’autre sexe, de tout âge et de toute condition s’assemblent en certain temps pour faire les exercices de Saint Ignace, c'est-à-dire, pour s’appliquer à la méditation des grandes vérités du christianisme et à la réformation de leurs mœurs… ».
C’est ainsi que débute la préface du livret dont nous nous sommes inspirés pour écrire ces articles, livret datant de l’année 1698 et dont l’auteur est inconnu ; dans la lettre qu’il écrit à Mgr François d’Argouges, évêque de Vannes de 1687 à 1716, l’auteur termine par…. « de votre grandeur, le très humble et obéissant serviteur » et il signe xxxx. Pour instaurer ces maisons de retraite, il fallait un premier « fondateur et supérieur ecclésiastique de mérite » : ce fut Louis Eudo de Kerlivio.
Louis était le fils de François que nous avons évoqué le mois dernier ; il est né le 14 novembre 1621 et baptisé le même jour dans l’église paroissiale de Saint Caradec ; fils de bonne famille, il suivit des études à Rennes, Bordeaux et commença « à voir le grand monde... l’esprit vif, l’humeur accommodante, de bonne mine, il savait la musique, chantait et dansait en perfection. Avec cela, il faisait grosse dépense, son père n’épargnant rien pour lui donner occasion de paraître... ».
Il ne tarda pas « à attacher son cœur à une demoiselle d’une rare beauté... ». Il lui promit de l’épouser, mais cette belle fille avait un gros handicap, du moins pour les parents de Louis, elle était sans fortune… Ils firent tout pour l’en détacher, sans succès ; et finalement ils lui interdirent de la voir. Louis ne voulut pas leur déplaire mais cet interdit lui « causa un chagrin mortel » et pour oublier sa belle il se décida à faire un long voyage (fortement encouragé par ses parents…).
Pendant cette absence, la demoiselle, moins fidèle, en épousa un autre… Ses parents pensant le faire revenir « lui en donnèrent promptement avis », mais Dieu choisit ce moment pour lui « ouvrir les yeux et lui toucher le cœur ; dégouté des plaisirs et des vanités de ce monde, il ne songea plus qu’à les quitter… ». Louis se décida à prendre les ordres ; il en fit part à ses parents mais cette nouvelle « pensa les faire mourir !... ». Louis fut malgré tout ordonné en 1645, à 24 ans et demeura à la Sorbonne étudier la théologie ; son père, revenu à de bons sentiments voulut que son fils fasse un docteur en théologie, mais Louis lui répondit qu’il n’était pas nécessaire d’être docteur pour enseigner le catéchisme aux enfants et pour assister les pauvres ; nouvelle colère du père, mais cette fois, « Monsieur Vincent de Paul », son supérieur, obligea Louis à obéir. Survint le décès de sa mère, et Louis revient à Hennebont sans achever ses études. Ce n’était plus le même jeune homme « si leste et si enjoué » des années passées, mais il était devenu un « prêtre modeste, solitaire, recueilli ».
Louis se retira à l’hôpital où il s’était fait faire un petit appartement « en vue d’y employer le reste de ses jours à servir les pauvres en qualité de chapelain et de confesseur. Il s’acquittoit admirablement de ces devoirs de charité surtout à l’égard des malades, les visitant plusieurs fois le jour et la nuit, pour les consoler, et les assister dans leurs besoins... ». Ses parents et ses proches, allaient de temps en temps lui rendre visite, mais ils n’étaient pas pressés d’y retourner une seconde fois tant ils étaient « rebutés de son air et de ses manières si éloignées de celles du monde… ».
Monseigneur Charles de Rosmadec*, évêque de Vannes, lors d’une visite à Hennebont entendit parler de Louis, il fit sa connaissance et ce fut le point de départ d’une autre vie ; mais entre-temps Louis, « assistant une religieuse à la mort et voyant les transports d’amour qu’elle avait sur les paroles qu’il lui suggérait, il ressentit lui-même un si violent assaut de ce divin amour, qu’il en pensa mourir. Il se rompit une veine dans la poitrine et jeta une grande abondance de sang. Les médecins le crurent mort, il fut six mois languissant et ne vivant que de lait d’ânesse... ». (… à suivre)
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* Charles de Rosmadec est né à Saint Jouan (Côtes d’Armor) le 22 septembre 1618 ; député de Bretagne aux états de Rennes en 1647, il fut évêque de Vannes de 1648 à 1671, archevêque de Tours de 1671 à 1672 ; il mourut cette même année lors d’une cure aux thermes de Bourbon d’Archambault (Allier).