La paroisse de Caudan s’est scindée en deux en donnant naissance à celle de Lanester il y aura très bientôt un siècle.
Faisons un retour en arrière et dressons un état des lieux qui nous aidera peut-être à en trouver les motivations...
Nous étions en 1907, le recteur était l’abbé Le Garrec, en poste depuis août 1905 , personnage très érudit, passionné de philosophie et d’histoire, excellent orateur, il restera à Caudan jusqu’en 1919, avant d’être nommé titulaire du chapitre de la cathédrale .
Sa première préoccupation fut de faire face à la « fatale loi de la séparation et ses funestes conséquences »… Il est facile d’imaginer le choc que cette loi produisit sur le clergé et les fidèles : la confiscation par l’état des biens d’Eglise, les prêtres chassés de leur presbytère, sans moyens matériels. Le recteur éprouvait le sentiment que ses fidèles ne partageaient pas toujours ses soucis : « Endoctrinés et pervertis par les politiciens, ils ne se rendent pas compte de l’importance de la question et pourtant à Caudan, il semble qu’ils auraient dû comprendre plus vite et mieux qu’ailleurs (sous-entendu à Lanester) ». En général tout de même, le peuple chrétien se senti atteint dans ses droits.
En 1906, à la suite de ces évènements, eurent lieu des élections législatives ; notre recteur n’hésitât pas à s’engager ; il convia les électeurs Caudanais dans un café du bourg, « réunion où l’avantage fut facilement resté aux Catholiques »… Quelques jours plus tard, c’est le député de la circonscription, M. Paul Guieysse, qui en organisa une autre à la salle de la mairie ; elle dura deux heures et fut très mouvementée. Ces élections eurent lieu en mai, et renforcèrent la majorité de gauche issue des élections de 1902.
M. Paul Guieysse, né à Lorient en 1841 et décédé en 1914, fut ingénieur hydrographe de la Marine ; député républicain et radical de 1890 à 1910, il fut aussi conseiller général du Morbihan de 1881 à 1889. La 1ère circonscription comprenait à l’époque le deuxième canton de Lorient, ceux de Pont-Scorff et de Plouay.
L’abbé Le Garrec n’était pas très satisfait ; le conseil municipal, disait-il, « composé en grande partie de gens dévoués corps et âme à M. Paul Guieysse, très mécontents d’avoir eu à constater l’échec de son candidat (non pas aux élections, puisqu’il a obtenu une majorité écrasante dans la circonscription), mais dans la partie nord de la commune, attribuait ce semi-échec à l’intervention du clergé, qui n’est descendu sur le terrain que pour défendre les droits de l’Eglise et les intérêts des fidèles »… et ce serait pour se venger que le conseil municipal fit prendre au maire la décision d’interdire les processions :
- Article 1 : Toutes manifestations religieuses sont interdites sur les voies publiques à moins qu’elles ne soient au préalable autorisées par le Maire, qui devra en être averti trois jours à l’avance.
- Article 2 : Toute infraction aux dispositions du présent arrêté qui sera notifié au desservant de la commune donnera lieu à des poursuites judiciaires.
L’affiche fut placardée sur les murs de l’église et de la mairie ; le recteur demanda par lettre à M. le Maire si par manifestations religieuses il fallait entendre « le port du viatique aux malades, les convois de la maison mortuaire à l’église »…A Lorient, la même interdiction donna lieu à de violents affrontements ; il y eut des morts, pas à Caudan quand même…
Cette époque n’était pas celle de « l’entente cordiale », chaque agglomération voulait préserver ses acquis ; quelques années auparavant c’est la ville de Lorient qui demandait l’annexion de certaines portions de la commune de Caudan, prétextant des motifs sanitaires mettant en cause « d’une manière calomnieuses » quelques femmes de Caudan : réponse virulente du conseil municipal de Caudan : « C’est le propre des gens malades de déblatérer contre ceux qui se portent bien et nous sommes convaincus que si le mal vénérien fait des victimes parmi les troupes, il convient d’en chercher la cause à Lorient et non à Caudan… », et plus loin : « à Lorient la rive droite du Scorff, à Caudan la rive gauche ; que le trait d’union liquide qui sépare depuis des siècles les deux communes ne soit point troublé dans sa paisible neutralité… »
Dans le domaine religieux aussi, depuis plus de trente ans de nouveaux groupements indépendants étaient fortement souhaités.