Nous avons en fin d’année 2005 évoqué quelques saints particulièrement connus dans nos villages. Nous n’oublierons pas St Cornely ; sa statue figure en bonne place dans la chapelle du Nelhouët... (photo ci-dessous). Cette sculpture, en bois polychrome, date du XVIème siècle ; elle a été restaurée en 1996, à l’initiative de l’association des amis de la chapelle aujourd’hui présidée par Mr Alain Le Roscoët, en même temps que le Christ en croix, en bois polychrome également et qui, lui, date du XVIIème siècle ; ce travail est l’œuvre de  Mr Le Gouel, restaurateur d’art sacré.

Saint Cornely (ou Corneli), est surtout connu comme Saint patron de Carnac, mais il est aussi vénéré à Lanvaudan, à Lochrist, Inguiniel...  D’autres paroisses n’ayant pas de pardon possèdent des statues de Saint Cornely (entre autres Caudan) ; son culte a dépassé les limites du diocèse, il est invoqué dans de nombreux pardons du Finistère,  de Loire-Atlantique.

Statue de Saint Cornely

A vrai dire, nous ne connaissons pas grand chose de lui ; on l’assimile parfois à Saint Corneille, pape du milieu du  3ème siècle ; sur le reliquaire de Carnac on le représente en effet coiffé d’une tiare ; ce Pape avait interdit la mise à mort des animaux comme le faisaient les païens dans leurs sacrifices sanglants , d’où peut-être, son titre de patron et de guérisseur des bêtes à cornes et des chevaux, (le « vétérinaire céleste », comme l’appelait irrévérencieusement A. France !) ou c’est tout simplement par une similitude de noms, comme par exemple Saint Andreo est connu pour guérir la coqueluche (qui se traduit par an dreo en Breton...) ; le nom de la grâce sollicitée  est souvent identique au nom du saint qu’on invoque.

Le paysan Breton a toujours cherché des protecteurs pour ses bêtes, pour preuve la grande fête qui avait lieu à Carnac le second dimanche de septembre ; grand’messe, vêpres, procession, bénédiction des animaux dont la présence par la suite dans une étable était considérée comme une sauvegarde pour le troupeau... Le jour du pardon, la paroisse vendait des cordes bénies en cette occasion ; en cas de besoin, ayant une vache malade, les paysans pouvaient venir en acheter une au sacristain ; «  l’emploi est efficace dans tout ce qui est des frissons, des fièvres et des coliques. Il suffit de passer l’une de ces cordes sur le dos de l’animal, de lui frotter le ventre et les côtes avec la sus-dite corde et psitt, tout est dit ; il faut ensuite promettre un voyage à Carnac un jour de pardon et une offrande à Saint Cornely ! … »  (Les Saints vétérinaires en Bretagne).

Le pardon se prolongeait la semaine suivante et tous les jours il y avait des processions de bestiaux et même la nuit on amenait des villages de la paroisse et des paroisses d’alentour, « des bandes de vingt et quarante bêtes… ».

Plusieurs légendes sont bien sur rattachées à Saint Cornely ; nous en citerons deux en nous référant à « l’almanach de la mémoire et des coutumes ».

La première est la légende des « soudarded  sant Cornely » ou soldats de Saint Cornely, qui ne sont en fait que les menhirs alignés de Carnac : « Ce fut sur un chariot à deux bœufs que Saint Cornely, fuyant l’Italie, serait arrivé à Carnac, poursuivi par une armée toute entière ; acculé à la mer, Saint Cornely n’eut que le temps de se cacher dans l’oreille de l’un de ses bœufs et par sa volonté, tous les soldats furent ainsi pétrifiés… ».

Ainsi nous vinrent les menhirs de Carnac ! Une autre  légende nous propose une seconde version : « Arrivé à Carnac, Saint Cornely rencontra des paysans ; sans les avertir qu’il était poursuivi, il leur demanda : que semez vous là ? et les paysans répondirent : de l’avoine ; demain leur dit alors le saint, vous récolterez cette avoine ; quand arrivèrent les soldats qui leur demandèrent s’ils avaient vu passer le saint, « oui, répondirent-ils, lorsque nous semions l’avoine !… »