Nous sommes en 1906 ; le cimetière a été transféré à son emplacement actuel, l’espace autour de l'église, ainsi libéré, est devenu libre...
Le 10 novembre de la même année, le conseil municipal eut à débattre d’un sujet visant à l’hygiène publique… : le conseil de fabrique (corps spécial chargé de l’administration des biens de l’église jusqu’en 1924 où le Pape accepta que furent crées les associations diocésaines), exposa au conseil municipal que « notre église n’était pas à l’abri de certaines pratiques malpropres »…
Depuis quelques semaines, les joueurs de boules s’étaient emparés du terrain enclos à l’emplacement de l’ancien cimetière. L’autorité municipale avait toléré cet usage, mais les fabriciens, à l’écoute des fidèles, souhaitaient qu’il serait bon d’interdire les jeux de boules « au moins le dimanche à l’heure des messes du matin et l’après-midi, à partir du moment où la cloche annonçait l'heure des offices ».
Durant la discussion, plusieurs conseillers exposèrent qu’il n’y avait pas que les joueurs de boules à être accusés de « pratiques malpropres », et que d’autres fidèles contre lesquels aucune plainte n’avait été formulée prenaient les angles de l’église comme urinoirs…
Ils ajoutèrent : « En ce qui concerne l’interdiction de jouer aux boules pendant les offices, il n’y a pas lieu de s’en préoccuper car l’ouvrier n’a que la journée du dimanche pour se reposer et se distraire et en accédant au désir du conseil de fabrique, ce serait aller à l’encontre des intérêts de l’ouvrier ; d’ailleurs, il n’existe dans le bourg aucun endroit favorable à ce genre d’exercice… et cette place publique entourée de murs offre toute sécurité , les joueurs de boules laissant la porte d’entrée principale libre lorsque les fidèles rentrent à l’église… »
N’oublions pas que la loi de séparation des biens de l’église et de l’état venait tout juste d’entrer en vigueur, l’église et le terrain adjacent étaient devenus biens publics...
Cette anecdote est caractéristique de la tension qui régnait à l’époque entre le nord de Caudan à population majoritairement campagnarde, croyante, pratiquante, et le Sud, Lanester, essentiellement ouvrière (avec l’arsenal tout proche), plutôt éloignée de l’Église…
On devine aisément les discussions, « les regards obliques et les propos venimeux » que cet incident provoquait : d’un côté, les fidèles, scandalisés de voir ces « non-pratiquants » s’amuser près de leur église et, de surcroît, pendant les offices… et de l’autre les « coupables, les païens… » sans doute un brin provocateurs et volontairement bruyants…
Après diverses et longues discussions, le conseil municipal (1) décida de placer une baille à proximité, qui servirait aussi bien « aux joueurs de boules qu’aux fidèles »…
On ne précise pas l’accueil réservé à ce sanitaire pour le moins rustique…
On se croirait à Clochemerle (que la télévision a diffusé le mois dernier) ; le scénario est identique : l’objet du litige, l’emplacement, la couleur politique du Maire, tout y est…
A - t’on connu, en cette occasion, la mise en service des premières Vespasiennes de Caudan ! ?…
(1) Ce conseil municipal était composé de 23 membres avec une majorité de « gauche » ; à sa tête, le Maire, Mr Abel Graindorge ; les deux adjoints étaient Mrs Mouëllo et Le Moing ; il y avait en plus un adjoint spécial de la section de Lanester, Mr Le Garff.