Le mois dernier, nous avons quitté Vincent Ferrier à Josselin, sur le chemin de retour de son périple Breton. Très fatigué, il sentait sa fin prochaine. Ses compagnons voulaient lui faire prendre le chemin de sa Valence natale. Il reprit donc sa marche vers Redon et Nantes où il arriva en décembre 1418. Il était à bout de forces et ne put aller plus loin, on le ramena donc à Vannes selon son désir. Il logea dans la maison de la veuve Marguerite Le Brun, une des suivantes de la Duchesse de Bretagne. Cette maison existe toujours au n°17 de la place Valencia ; on y trouve aujourd'hui une librairie religieuse. Elle est ornée d'une statuette du saint (sur la photo, à droite). Cette petite place se situe tout près de la place des Lices, à laquelle elle est reliée par une ruelle d'une cinquantaine de mètres.

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Ses compagnons, toujours désireux de le voir rejoindre son pays natal, en pensant évidemment à son décès imminent, tentèrent une seconde fois de lui faire rejoindre l'Espagne par voie maritime. On n'était encore que dans le golfe que son état de santé s'aggrava rapidement et il fallut faire demi-tour. En remettant ses pieds sur le sol de Vannes, il aurait dit à ses compagnons : « Dieu veut que ce soit ici le terme de mon voyage. Haec est requies mea in saeculum saeculi, ici sera mon repos jusqu'à la fin des temps ». Le 25 mars 1419, il fut saisi d'une fièvre violente. Les autorités, les gens du peuple se succédaient près de son lit. Tous pleuraient à chaudes larmes, il les consolait et leur fit ses adieux, « il ne vous reste plus qu’à persévérer dans la pratique des vertus et à ne pas oublier ce que vous avez appris de moi, je serai votre avocat devant le tribunal de Dieu. Adieu, je m'en irai devant le seigneur dans dix jours d'ici ». Le 4 avril, il se fit lire la Passion du Seigneur. La duchesse de Bretagne, ses dames d'honneur, de nombreux religieux le veillaient et il entra bientôt en agonie, joignit les mains, leva les yeux au ciel et « le 5ème jour d'avril 1419 le glorieux confesseur et ami de Dieu frère Vincent Ferrier rendit à Dieu l'esprit ».

Par respect pour son corps, la duchesse de Bretagne lava les jambes et les pieds de Vincent. L'évêque Amaury, sachant que les frères prêcheurs (Dominicains spécialement chargés de la prédication) voulaient s'approprier le corps, fit garder la maison où il reposait. Quelques heures plus tard, des hommes armés s'avancèrent et il y eut échange de coups « le sang coula en abondance ». Le corps de Vincent fut mis en bière, visage découvert et conduit sous bonne garde jusqu'à la cathédrale. Le vendredi 7, la messe d'obsèques fut célébrée par l'abbé Dano, l'inhumation eut lieu à 16 heures au fond du chœur et la pierre tombale fut fortement sécurisée.

Aussitôt après sa mort, de nombreuses demandes émanant d'autorités civiles et religieuses pour la canonisation de Vincent furent adressées au Pape Martin V. Entre temps, ce dernier dut intervenir pour faire taire les Dominicains qui cherchaient à tout prix à s'emparer de la dépouille mortelle et il décida que désormais « elle reposerait à perpétuité en la cathédrale de Vannes ». L'honneur de la canonisation de Vincent fut réservé au successeur de Nicolas V, le Cardinal Alphonse Borgia qui avait pris le nom de Calixte III. Le nom de Vincent Ferrier fut inscrit au catalogue des saints le 29 juin 1455. Désormais la mémoire de St Vincent Ferrier « devra être honorée par l’Église universelle avec dévotion le jour anniversaire de sa naissance le 5 avril ».

L'exhumation des restes mortels de St Vincent se déroula le 5 avril 1456 en présence du délégué du Pape le Cardinal Alain de Coëtivy, un Breton alors évêque d'Avignon. Le cercueil fut ouvert et une chasse ferrée de toutes parts, munie de trois serrures, avait été préparée pour recevoir les reliques, ce qui fut fait. Une vertèbre et quelques os furent laissés dans la tombe pour la dévotion des fidèles ; la mandibule et un autre petit os furent mises à part dans un reliquaire pour être porté en procession (photo ci-dessous). Cette chasse connut bien des aventures et dut souvent être cachée, car les Dominicains n'avaient de cesse de vouloir la récupérer. En 1794, les révolutionnaires voulurent s'emparer de l'argent qu'elle comportait, mais grâce à un sacristain du Méné elle put trouver une cache dans le couvent des Cordeliers. Depuis le XVème siècle, le tombeau de St Vincent a changé de place plusieurs fois. Actuellement, des travaux de restauration et d'aménagement du transept nord de la cathédrale sont en cours (le terme était prévu fin avril de cette année). Ils ont pour but de réintégrer les reliques du saint à l'emplacement qu'elles occupaient avant 1956.

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La communauté religieuse de la ville de Vannes comporte plusieurs paroisses, l'une d'entre elles est dédiée à St Vincent Ferrier. L'abbé Jean Hazevis reçut la charge de cette paroisse en juillet 1979. Il y resta dix ans avant d'être nommé à Caudan où il exercera dix autres années. Après deux années à Saint-Avé, malade, il dut progressivement se retirer avant de décéder le 18 mai 2011 ; une raison de plus pour notre communauté d'accueillir celui qui fut le saint patron d'un de nos anciens recteurs.

La dévotion à ce saint a toujours été très forte dès sa mort et pendant de longues années, elle a beaucoup évolué. Six cent ans après, elle est toujours aussi profonde. Gardons vivante sa mémoire et n'oublions pas de la transmettre aux générations à venir.