L’année 1942 se passe sans trop de difficultés pour nos religieuses, du moins jusqu’en novembre quand les Allemands réquisitionnent de nouveau l’école. Il faut évacuer et aller où ? Heureusement elles vont trouver refuge chez l’habitant : chez Mme Hellegouarch, la boulangère qui leur donne deux salles pour servir de dortoir ; Madame Bachelier leur donne également deux chambres ; Mesdames Le Nestour et Penhouët leur laissent une salle chacune qui serviront de classes. Les élèves continueront à être scolarisés ; mais que de mouvements de mobilier, matériel scolaire… un mois plus tard, les Allemands préviennent les religieuses qu’elles peuvent réintégrer leurs locaux ; le lendemain dès 6 heures du matin elles se mettent au travail et, dans la matinée, les cours reprennent ! Elles se trouvent en permanence en proie au doute, à la crainte de partir...

Janvier 1943, l’enfer va commencer… Le Préfet décide de fermer les écoles à Lorient, les élèves affluent à Caudan ; les classes sont pleines à craquer, mais, malgré tous les problèmes,  l’enseignement, le gîte et le couvert peuvent être assurés : le 15 janvier avait commencé l’opération massive de destruction de Lorient décidée par le gouvernement britannique : en un mois les alliés vont déverser 4000 tonnes de bombes sur la ville, qui fut détruite à 80 % !... Des foyers d’incendie s’allument un peu partout sur la ville bien sûr, mais aussi sur les communes limitrophes.

Le 16 janvier, bombardement intense de deux heures sur Lorient ; les religieuses et leurs élèves sont terrées dans la cave et le sous-sol : elles prient, chantent et sortent indemnes de ce brasier… mais les Lorientais ne peuvent plus rester chez eux, vingt mille personnes vont quitter la ville en quelques jours, chacun selon ses moyens (train, voiture, vélo, charrette...) et par centaines, ils viennent demander asile à nos sœurs. « Caudan se montre secourable, celui qui peut loger un malheureux le fait » ; les religieuses de Lanester ne savent plus où aller ; « venez, nous vous attendons avec impatience » leur disent leurs consœurs de Caudan et le soir « nous voyons arriver, perchées sur des charrettes de déménagement nos chères sœurs voisines, elles sont pâles et fatiguées ; nous nous trouvons une trentaine ce soir là à table et malgré tant de misères, nous sommes joyeuses ».

Ensemble, elles créent un centre d’accueil dans la communauté pour venir secourir tous ces réfugiés ; les deux classes de la vieille maison sont transformées en « hôtellerie », une cantine fonctionne à la boulangerie Hellegouarch, et tous ces malheureux peuvent se restaurer, en attente de se diriger vers d’autres lieux de repli. Les sœurs se font « Filles de la Charité » pour servir tout ce monde dont la détresse est grande.

Le 24 janvier, la gendarmerie de Lorient se replie sur Caudan, pour atterrir où ?... à l’école ! Ils sont 90 gendarmes et vont rester dans les murs jusqu’en mars, jusqu’au jour où l’organisation « Totd » viendra les remplacer. Elles verront arriver des ouvriers de tous pays travailler avec et sous les ordres de l’occupant.

CommunautéLes alliés voulaient détruire Lorient et ses alentours proches pour priver l’ennemi d’un appui terrestre vital pour ses sous-marins et le 26 janvier 1943, les bombardements redoublent : « C’est une vision d’enfer, Lorient et les environs sont en flammes ! Des bouées éclairantes illuminent la campagne comme en plein jour. C’est un incendie général ! Sous la poussée des bombes, les portes et les fenêtres s’ouvrent d’elles - mêmes. Nos pensionnaires retirées avec leurs maîtresses dans le sous-sol sont apeurées, elles appellent leur mère ; Saint Joseph est prié et chanté plus que jamais, le chant et la prière sont les seules choses capables d’apaiser dans des circonstances pareilles ! Malgré tant de dangers, personne n’a eu mal, ni enfants, ni gendarmes ; Dieu nous protégeait ; ces messieurs restaient interdits devant tant de courage. Comment pouvez-vous chanter au milieu d’un tel vacarme de bombes, d’incendie et de danger ? disent-ils. Nos sœurs se sont montrées d’un héroïsme hors de tout éloge »… On n’en doute pas !...