Le mois dernier, nous avons quitté notre recteur Le Garrec, occupé à régler les problèmes de son presbytère avec la municipalité, devant la justice. Faute de pièces réglementaires, le procès fut remis à quinzaine et le 13 mai 1907, le Président du tribunal, après avoir entendu les deux avoués, mit l’affaire en délibéré et rendit son ordonnance huit jours plus tard se déclarant incompétent. Le procès sera plaidé plus tard et le 25 février 1908 le recteur fut débouté de ses prétentions et le tribunal le condamnera en outre à payer les dépens et une location de 1000 francs par an au prorata du temps écoulé depuis le 1er janvier 1907, soit la somme (énorme dit le recteur) de 1468 francs...

Devant cette situation, le recteur se donne un temps de réflexion et note, un peu désabusé, ses impressions :

« J’avais d’abord songé à quitter définitivement le presbytère dans les derniers jours de 1906, c’est à dire avant l’époque où l’on allait faire commencer le temps de la location. J’aurais bien fait de suivre cette inspiration : j’aurais ainsi évité une condamnation et une perte d’argent assez considérable ; mais, ni la population, ni même mes confrères, ni peut-être même les plus hauts placés, n’auraient compris cette façon d’agir ; j’ai même été désapprouvé formellement par mes paroissiens (et les meilleurs...), pour avoir retiré mes meubles du presbytère et pour n’y avoir laissé que mon lit où j’ai couché toutes les nuits depuis le 1er janvier 1907 jusqu’au 27 février 1908 ; c’est cet état d’esprit qui m’a obligé à garder le dernier meuble et à y maintenir ma résidence, ce qui m’a valu un procès et une condamnation ; on a donc quelquefois raison contre tout le monde (!...) Dans les circonstances difficiles que nous venons de traverser, il n’est pas difficile de faire son devoir quand on le connaît ! Le malheur c’est qu’on ne le connaît pas toujours, et l’ennui c’est qu’il y a toujours des gens pour vous condamner, quelque parti que vous ayez   pris ; il faut avoir éprouvé ces pensées pour en connaître l’amertume ».

Dépendances de l'ancien presbytère de Caudan

Il fallait trouver une solution ; à l’amiable, ce n’était plus possible et les paroissiens essayaient de résoudre le problème, et pourquoi pas acheter le presbytère ? Beaucoup s’en étonnèrent : acheter un bien dont on était quelques années avant propriétaire, ne leur paraissait pas évident ; mais finalement, ils adoptèrent cette proposition ; et en séance du conseil municipal du 22 février, Mr le Maire communiqua une lettre de « Mr l’abbé Le Garrec, recteur de Caudan, par laquelle il l’informe qu’un de ses Paroissiens serait heureux d’acheter le presbytère et l’invite à émettre son avis. Par 12 voix sur 17, le conseil autorise la vente du Presbytère et de ses dépendances à un prix qui sera fixé par Mr Jasseron, architecte à Lorient que le conseil désigne à cet effet pour en établir la valeur ».

Le Paroissien en question n’était autre que l’abbé Louis Jagourel , dont nous avons déjà parlé il y a quelque temps ; originaire de Caudan (il est né à Ty Nehué Kergranne en 1885 et décédé à St Joachim en 1967) ; à l’époque, il était vicaire instituteur à Brech ; il s’agissait bien sûr d’un montage car ce n’est pas lui tout seul qui aurait pu se payer un tel achat !

Le presbytère possédait des dépendances (cf. photo) : jardin potager, jardin fruitier, mais notre recteur se gardait bien d’y toucher (de peur d’être taxé de voleur...). La nature, elle, continuait son œuvre et tout y poussait à merveille ! Le recteur fit en sorte que la municipalité en fut informée... Et en séance de Conseil du 27 juin 1908, le Président exposa :  « qu’il serait temps de s’occuper du foin de la prairie de l’ancien presbytère ainsi que des fruits qui se trouvent dans le jardin ». « Le Conseil, à l’unanimité, l’autorisa, vue l’urgence, à traiter au mieux des matériels de la commune avec un particulier ; le prix en provenant sera versé dans la caisse du receveur principal... » (on n’en restera pas là...).