Nous avons laissé notre abbé Louis Eudo De Kerlivio sur son lit de l’hôpital d’Hennebont, mais le lait d’ânesse lui fit le plus grand bien, et il put reprendre ses activités. Monseigneur Carles De Rosmadec le fit venir « à Kerengof qui est la maison de plaisance des Évêques de Vannes », il l’y retint trois jours, mais lui demanda de revenir le voir, car la pensée de l’évêque était que « Louis se donnât à lui » ; la mort de monsieur Basseline docteur en Sorbonne, son «  grand vicaire », lui en donna l’occasion. Il lui proposa de devenir ce nouveau « grand vicaire » et, ne doutant pas des difficultés qu’il rencontrerait pour le décider, il envoya le père Huby, son directeur, pour le tirer de son hôpital d’Hennebont. Ce dernier, et le Père Rigoleu l’obligèrent à se soumettre à « la volonté de Dieu qui lui était déclarée par celle de son évêque »...

 

Avant de quitter l’hôpital, l’abbé Louis laissa son appartement à un prêtre dont « il fonda la pension », il acheta et aménagea un terrain pour les pauvres et se rendit donc à Vannes où le père Huby lui trouva un logement provisoire en ville en attente d’un définitif au séminaire. Sa première mission fut de connaître à fond son évêché. Il écoutait tout le monde, prenait note de tout, ne décidait que ce qui était vraiment nécessaire. Monsieur De Rosmadec étant resté deux ans à Paris pour « les affaires de la province » fut surpris à son retour « du bel ordre qu’il trouva dans son diocèse par les soins de son grand vicaire ». Il dit un  jour à la Mère Supérieure des Ursulines qu’il « donnerait de bon cœur un de ses bras pour conserver son grand Vicaire… ». Louis De Kerlivio visitait ainsi tous les ans son diocèse ; « lorsque les infirmités ne lui permirent plus d’aller à cheval, il se servait d’une chaise roulante fort pauvre dans laquelle il avait la commodité de pouvoir lire et écrire ». Il notait ainsi, par des chiffres connus de lui seul, l’état de ses paroisses « les bonnes et les mauvaises qualités » des recteurs et des prêtres, des confesseurs et des catéchistes, de ceux qui étaient bons  prédicateurs de ceux qui devaient continuer dans leur fonction ou être remplacés.

Un séminaire venait d’être construit et Monseigneur  le destinait à recevoir des séminaristes, mais Louis de Kerlivio avait une autre idée, celle d’en faire une maison pour retraites ; en dépit de nombreuses difficultés principalement près du clergé, il obtint l’accord de son évêque qui approuva et en fit part à tous ses recteurs et vicaires, les incitant fortement à suivre ces retraites de huit jours dans ce nouveau bâtiment : « Un dimanche ou une fête qui se pourrait rencontrer dans leur huit jours de retraite ne doit pas les empêcher de jouir d’un si grand bien et que s’ils ne font pas de difficultés à s’absenter de leur paroisse l’orsqu’une affaire personnelle le demande, ils ne doivent pas craindre de s’en absenter pour une affaire d’une si grande importance que celle-ci où il s’agit de ce qui peut le plus assurer leur salut… »

La pratique de ces retraites fut étendue à tous les fidèles ; mademoiselle De Francheville fut chargée de celles des femmes.

Le diocèse disposait de bons prédicateurs et Louis, à la mort du père Rigoleu qui en était chargé, s’appliqua à faire profiter le leurs talents les fidèles et les séminaristes à l’occasion de missions qui furent organisées en paroisses ; il officialisa cette pratique par des règles et obligations en essayant de mettre un peu d’ordre, de discipline et de moralité, ce qui ne lui valut pas que des amis ; « un prêtre dont il tâchait de corriger le désordre voulut le tuer d’un coup de pistolet tiré par la fenêtre… ».

En 1671, Mgr De Rosmadec fut nommé à l’archevêché de Tours et Louis Cazet De Vautorte  lui succéda en l’évêché de Vannes (1671-1687) ; celui-ci garda Louis De Kerlivio comme « grand vicaire », mais rapidement le destitua. Madame D’Argouges, première présidente du parlement de Bretagne intervint pour la réconciliation avec l’évêque qui fut effective en 1677 et Louis redevint « grand vicaire » jusqu’à sa mort à l’âge de 63 ans. « Sa maladie le prit le 21 février 1685 avec une inflammation de poitrine »… et il décéda le 21 mars de la même année. «  On lui rendit les honneurs que Vannes  n’avait pu rendre à aucun mort depuis Vincent Ferrier ». Il fut inhumé dans le caveau de l’église des Jésuites.